L'augmentation de la maladie.
Il y a près de 3 millions de personnes concernées en France, dont 600.000 qui ignorent qu'elles sont atteintes de la maladie (Bulletin Hebdomadaire Epidémiologie). Les statistiques prévoient le doublement du nombre de personnes diabétiques au cours des vingt prochaines années. C'est un signal alarmant qui donne à réfléchir sur un problème de santé publique dont on doit rapidement prendre toute la mesure. Cette véritable épidémie mérite toute l'attention des chercheurs, des laboratoires pharmaceutiques, des médecins, mais aussi des psychologues qui ont certainement un rôle à jouer pour aider les personnes victimes de cette pathologie. Cette prise en charge psychologique appelle deux types d'intervention, lesquelles peuvent être, soit conduites de manière distincte, soit consécutives l'une à l'autre, selon le degré de fragilité psychique des patients. De quelles interventions s'agit-il ?L'objectif de la première intervention psychologique.
Elle consiste à accompagner le diabétique dès l'annonce de sa maladie par le médecin. Car s'ensuit pour lui un choc dont il ne faut pas négliger les effets négatifs sur le traitement de la maladie. Le sujet est confronté alors à des résistances qui prennent différentes formes, telles que la dénégation, la révolte, le marchandage, la dépression ou la pseudo- acceptation. Chaque patient est susceptible ou non de traverser l'un ou l'autre, voire la totalité de ces stades. L'acceptation de la maladie, vécue par certains comme un véritable traumatisme, est un processus évolutif, avec des temporalités individuelles. Cette acceptation s'articule le plus souvent à l'histoire personnelle du sujet et parfois au niveau transgénérationnel. Comment est-ce arrivé et pourquoi ? On sait combien les chocs émotionnels (perte d'un proche, peurs, accidents, traumatismes) sont un facteur déclencheur de l'apparition de la pathologie. Et on peut comprendre l'étonnement du patient quand il se retrouve deux fois victimes, une première fois victime de son "éprouvé", une seconde fois par le diabète. Les sentiments de culpabilité peuvent être un frein considérable au traitement et à la stabilisation de la maladie. Citons le cas de ce retraité qui, après avoir perdu sa femme dans des circonstances troublantes (alors qu'il ne se trouvait pas à la maison) est devenu diabétique. Le choc émotionnel a été le facteur déclencheur de la maladie comme cela arrive fréquemment. Accablé de tristesse, il a cessé rapidement de prendre ses médicaments, et s'est réfugié par compensation dans l'absorption d'aliments sucrés. Un coma diabétique s'en est suivi qui l'a emporté. Un accompagnement thérapeutique aurait semblé ici nécessaire pour suivre le sujet dans ces traversées douloureuses et renforcer les conditions de son équilibre psychique et physique. Le travail du psychologue, au cours de cette intervention, est d'être au plus prés du discours et des attitudes du patient. Il doit comprendre à travers la parole énoncée son vécu psychique, c'est-à-dire ses douleurs, ses angoisses et anxiétés, ses peurs. L'approche clinique du professionnel de la santé évalue, au cours des premières séances, l'état dans lequel est le malade pour y apporter toute l'aide et l'écoute nécessaires. Son rôle et sa démarche consistent à aider la personne diabétique à faire le deuil d'un équilibre rompu (le métabolismes des sucres) afin de la conduire à un degré d'acceptation de sa maladie. Cette prise de conscience permet alors au malade d'organiser sa vie autrement.L'objectif de la seconde intervention psychologique
Elle consiste à mettre en place un dispositif qui vise à protéger des effets causés par le vécu de sa maladie, de la perception qu'il en a. Ces effets négatifs s'expriment sous des formes physiques, physiologiques, ou comportementales, évoluant au regard du degré d'acceptation et de maîtrise de la maladie. Cela se veut un programme au long cours, afin d'anticiper, de prévenir et de limiter les effets de stress consubstantiels au vécu quotidien de la maladie par le diabétique. En quoi le diabète constitue un agent "stresseur" ? - le diabète est un état permanent et imposé (imposé par rapport à certaines maladies qui sont le résultat d'excès comme le tabac ou l'alcool), - l'apparition de symptômes dérangeants (faim, palpitations, tremblements...), - des émotions désagréables touchant à la tristesse, rage ou colère, - la modification des habitudes de vie (prise des médicaments, heure et contrôle des repas), - l'anxiété générée par l'affichage du taux de glycémie ou par la survenue de complications de la maladie (yeux, reins, pieds). La maladie du diabétique ne supporte pas d'écart, de rupture de l'équilibre "glycémique". Sortir de cet équilibre revient à risquer une hyper ou une hypoglycémie. Le contrôle constant des facteurs de stress liés au diabète n'est pas toujours facile, ni aisé pour certains.Quelle action thérapeutique peut proposer le psychologue pour améliorer la gestion de ce stress ?
Celui-ci, mal maîtrisé, occasionne dans de nombreux cas de grands dommages pour le diabétique. Cumuler les traitements médicamenteux pour soigner à la fois le diabète et la santé psychique (anxiolytique, anti-dépresseur) n'est pas toujours nécessaire. Nous imaginons une prise en charge psychologique qui offre au diabétique des moyens thérapeutiques diversifiées. Ces actions proposées par le psychologue au patient visent à le rendre plus actif dans la gestion de sa maladie, de son bien-être physique et psychique. Il s'agit de donner au diabétique des possibilités nouvelles de transformer la perception qu'il a de sa maladie, d'en accepter la vérité, afin de mieux vivre avec elleQuelques propositions du dispositif d'accompagnement et de soutien du diabétique dans la gestion de son stress, et par conséquent dans l'amélioration de sa qualité de vie ?
Dans cette perspective, le psychologue sera conduit à : a) créer une relation de confiance avec son patient diabétique , indispensable à la levée des mécanismes que nous avons précédemment évoqué, c'est-à-dire dénégation, révolte, marchandage, pseudo acceptation... Ce premier travail favorise dès lors la libre expression des sentiments et des émotions vraies en lien direct avec le ressenti profond, telles que la colère, la peur, la culpabilité, la honte, l'anxiété. Le langage est une ressource dont le diabétique saura, avec l'aide de son thérapeute, tirer les plus grands bénéfices. Il s'agit ici pour le patient de mettre des mots sur son ressenti afin de stabiliser ou de faire diminuer les perturbations en cours ; b) aider à l'acquisition et à l'intégration de toutes les informations relatives à la maladie. Le psychologue favorise la construction de compétences chez son patient afin de le préserver d'impulsions ou actions (voyage mal préparé, activité physique nocive, conflits interpersonnels, difficultés au travail) risquant de produire un déséquilibre de son métabolisme des sucres. Des informations peuvent ainsi être données, soit directement articles, études, brochures), soit indirectement sous la forme d'énoncés métaphoriques, de suggestions, ou de recours à un tiers, de structures relais ; c) travailler avec le client diabétique sur le repérage de ses fausses croyances et idées irrationnelles (sur leur sexualité, l'alimentation, la transmission du diabète...etc ). Celles-ci le conduisent à penser et à agir de manière inappropriée avec la réalité et aboutit à de la confusion et à une augmentation du stress ; d) encourager le patient diabétique à se faire plaisir par de nombreuses activités physiques, loisirs et à vivre toutes sortes de "petites joies", dans l'ici et maintenant. Apprendre à se faire plaisir évite au diabétique de s'enfermer dans la morosité, le mal-être et la déprime ; e) conseiller le sujet à avoir une vie active pour lutter contre l'ennui et le désoeuvrement, lesquels sont des facteurs dommageables pour la santé psychique du diabétique. La conception et la visée d'objectifs, de projets, qu'ils soient personnels ou professionnels, est de nature à maintenir et conserver un niveau d'énergie suffisant pour faire face aux épreuves et aux situations difficiles ; f) faciliter un type d'apprentissage utile dans la maîtrise des effets négatifs du stress en lien avec le diabète, c'est celui de la relaxation. Quelle que soit la technique de relaxation adoptée (et le psychologue psychothérapeute peut en être l'initiateur) cela suffit à décélérer, à faire baisser une tension extrême consécutive à un bouleversement soudain surgissant dans la vie du patient. Quelques minutes de relaxation ont la capacité de produire immédiatement les meilleurs effets sur l'équilibre parfois mis à mal du diabétique.Pour conclure
Le travail d'un psychologue expérimenté sur ces 2 types d'interventions contribue, en complément de l'indispensable traitement médicamenteux, à rendre la vie du diabétique aussi confortable et aisée que possible. Il s'agit pour lui de rompre la chaîne, le mouvement en boucle qui risque de se dérouler selon le schéma suivant : apparition de la maladie, état de stress engendré par elle, augmentation de la glycémie perturbant le métabolisme des sucres engendrant des complications, et ainsi une nouvelle augmentation du stress... Il faut donc très rapidement arrêter le renforcement de la boucle par le traitement adapté du stress. Au delà de son rôle "régulateur", cet accompagnement psychologique me semble tout à fait nécessaire dans le cas du diabète. Maladie au long cours, irréversible, à investissement psychique coûteux dans la mesure ou elle sollicite de la part du sujet un "ne jamais lâcher prise" pour vivre comme les autres. Les personnes diabétiques ont besoin, selon nous, d'une aide et d'un soutien spécifiques à leurs efforts permanents.Norbert ZERAH
Psychologue clinicien
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